Un jour, Robert Bober rencontre le grand rabbin Chouchena avec qui il venait de tourner avec Pierre Dumayet, un « Lire c’est vivre » sur le Talmud. Celui-ci lui demanda s’il pouvait avoir une cassette de l’émission en précisant :
« C’est que, grâce à Mr Dumayet, je me suis entendu dire des choses que je ne savais pas encore. »
Anecdote racontée par Robert Bober dans son livre : "Par instant, la vie n'est pas sûre"Ed POL
Mon premier livre de cuisine, La cuisine des enfants écrit à quatre mains avec
ma sœur Delphine, est sorti en 1999, puis ont suivi : La cuisine bio et la cuisine des fêtards, écrits seule en 2001 (aux Éditions Librio).
En 2007, est paru chez Actes Sud : "Saveurs sacrées" sur la cuisine des fêtes religieuses, juives, chrétiennes et musulmanes, que j'ai ensuite transformé, en 2012, en un "seule-en-scène" (Sacré sucré salé), cabaret mystico-drolatique et nourrissant, dans lequel je cuisine une chorba que je sers ensuite aux spectateurs.
Suite à cette parution, j'ai écrit toute la partie texte du livre-calendriers des 3 religions 2010 aux éditions Écrire.
En 2009, j'ai à nouveau écrit à quatre mains avec Katell Maitre, "Produits et recettes bio de A à Z", chez Minerva. Enfin en 2019, je suis retournée
chez Actes Sud pour écrire seule "La cuisine de l'exil", puis en 2024 : "La cuisine de la consolation".
Tous les gens gardent de petits secrets dans le fond de leurs tiroirs
Mari Kazue fait partie des 24 témoins que l'on trouve dans "La cuisine de l'exil". Nous avons eu, ensemble, envie d'aller plus loin et avons décidé de nous lancer dans l'aventure de l'écriture d'une biographie sur sa vie. Dans ce livre, elle raconte son enfance dans un Tokyo profondément marqué par la guerre et l'occupation américaine, sa découverte de Barbara et du théâtre, sa rencontre avec Hijikata et la danse Butô, mais surtout son amour de la France et ses allers retours entre Paris et Tokyo jusqu'à son installation définitive.
Après la Deuxième Guerre mondiale, presque tous les Japonais ont jeté leurs affaires, comme s’ils avaient eu besoin de balayer leur culture et de s’américaniser. Ma mère a jeté certaines photos et quelques objets qui se trouvaient dans la maison familiale. Il ne m’est presque rien resté. Je sens que par ce geste, elle ne voulait pas uniquement se débarrasser d’eux. Mais avant tout, qu’elle avait envie d’effacer sa mémoire. Elle avait besoin de faire le vide dans sa maison comme dans son esprit.
Mais les souvenirs, c’est vivant.
Quand je raconte l’enfance de ma mère, je ne sais pas si ce que je raconte est vrai ou si je l’ai imaginé à partir des rares photos que j’ai pu voir ou des histoires qu’elle me racontait.
À la veille de partir en France, j’ai fait beaucoup de jaloux. J’avais 11 ans, je n’avais aucune conscience de ce que représentait la France, j’étais fan de l’OM et c’était bien la seule image que j’en avais … Pour mes cousins qui étaient plus grands, c’était l’eldorado, et c’était dur de me voir partir pour l’eldorado sans eux… Mes parents avaient envoyé des sous pour qu’on soit très bien habillés, on nous a fait faire des costumes et on a fait le tour de la famille. Mon frère et moi étions très excités, impatients de retrouver nos parents. Je me souviens de ce sentiment d’impatience et de joie mais également de cette frustration de ne pas pouvoir le montrer de peur de rendre mes cousins trop tristes. Je me souviens aussi très bien du dernier match de foot qu’on a fait avec eux et les copains, avec ce sentiment de tristesse et de peur qu’on ne joue peut-être plus jamais ensemble. On ne savait pas si on allait revenir.
C’était la seule chose que j’appréhendais, ne plus les revoir. Ibrahim - Sénégal
Le rapport à la cuisine et à l’exil est évident, c’est ce qu’il y a de plus palpable. Par la cuisine, on est à nouveau en plein dedans même si les harengs n’ont plus le même goût. C’était leur nourriture, leur caviar. Aujourd’hui, quand j’achète du hareng, je mets de l’huile, des oignons, je renouvèle le geste. Même s’il n’y a plus de tonneau dans la rue des Rosiers ni dans aucun magasin.
Je n’ai jamais appelé ma mère pour lui demander une recette. Je crois qu’elle était un peu pesante pour moi, et moins je racontais, moins je demandais, mieux c’était. A l’époque, c’est ce que je pensais. Aujourd’hui, je regrette. J’aurais dû demander, mais… non. Je me disais qu’il y avait des choses qu’elle n’aurait pas comprise, comme simplement demander la recette du cou farci. Tout comme elle n’a pas compris que j’aille en Pologne… « Ah !? Pourquoi ? ». Ils haïssaient la Pologne. Le fait que je me replonge dans leur langue, elle ne le comprenait pas. Au fond, mes parents regardaient plus devant eux que moi. Eux étaient naturellement juifs de Pologne. Pour nous, c’est toujours un peu une reconstruction. Ils nous ont transmis à leur manière leur histoire mais à notre manière de nous revendiquer juifs on reconstruit sûrement quelque chose. On a été à l’école française. Le français est totalement notre langue, la culture française est notre culture. Donc, on reconstruit forcément quelque chose à partir de l’exil et de l’histoire de nos parents.
Quand on vient d’un monde qui n’existe plus, on est amputé… On est tout d’abord amputé d’une partie de ses ancêtres… Bien sûr, on est tous amputés de ses ancêtres mais il y a façon et façon. Quand ils ont disparu par assassinat et parce qu’ils étaient nés juif, c’est quelque chose dont on ne se remet jamais et qu’on transmet aussi malgré nous à nos enfants…. Comme moi, si ma fille voit une photo, un documentaire, elle pleure. Il y a quelque chose qui est toujours là, qu’on n’a pas assimilé. Il y a comme un double exil, voir un quadruple exil. Talila - Pologne
Quand mon père a voulu retourner vivre en Uruguay à la fin de la dictature, nous, les enfants, nous avons tous refusé. Nous étions devenus des petits Français. Quand on y est retournés sans y avoir mis les pieds durant 7 ans, c’est quelque chose qu’on nous a beaucoup renvoyés. Le pays sortait de la dictature, il était à genoux, les gens venaient de vivre quelque chose de très dure que nous n’avions pas vécu et ils nous l’ont bien fait sentir : « Tu n’étais pas là »… Nous n’avions pas été là, nous étions partis. Ils étaient encore dans les années 70, le pays s’était fait laminer, il s’était refermé sur lui, les dégâts qu’avait fait la dictature étaient terribles et nous, cela se voyait des pieds à la tête : on était des Français. Et c’était très dur de sentir qu’on n’était plus des Uruguayens….
A 40 ans, je suis partie en Uruguay en hiver, en pleine crise, sans mes parents, sans mes enfants, sachant qu’à mon retour, j’allais mettre fin à une histoire d’amour de 20 ans, que la famille que j’avais fondée, c’était fini.
Malgré le fait que j’y ai si peu vécu, je suis chez moi en Uruguay à un endroit absolument irrationnel puisque je possède moins de codes que je n’en possède ici mais je suis pourtant chez moi là-bas comme je ne le serais jamais ici. En France, je n’ai pas ce rapport viscéral à la terre ou au paysage. La lumière qu’il y a en Uruguay me manque, l’espace… Mais, là-bas, il y a une chose qu’il n’y a pas et qui me manque terriblement, ce sont mes amis.
J’ai eu besoin de ce voyage pour pouvoir me dire que jamais je ne rentrerai en Uruguay. Mes parents sont rentrés, cela avait un sens, mais moi, cela aurait été juste partir, pas rentrer. J’ai eu besoin de ça pour me dire que je rentrais en France.
L’endroit où il y aurait tout n’existe pas. Même pour mes enfants, je sens qu’il est compliqué de dire quel est leur pays, qu’il n’en ont qu’un. Et ce n’est pas grave. C’est tant mieux. Cet endroit où j’éprouverais cette chose viscérale « c’est ma terre », n’existe pas, tant mieux parce que ce que cela m’enlève toute l’identité nationale et cela me réjouit. Le chez moi, je ne l’ai pas. Je le trouve parfois quand je travaille sur des traductions ou encore lors d’un repas, quand il y a de la nourriture italienne, un bon vin français et du dulce de leche. Alors, tout circule…. Ana Karina - Uruguay
À travers ce livre de recettes, j’ai eu envie d’observer la manière dont, dans les trois religions monothéistes, juives, chrétiennes et musulmanes, l’homme se nourrit devant Dieu, en liant son mode d’alimentation à une représentation religieuse de l’univers.
Dans la Bible, une des premières recommandations que Dieu a donnée à l’homme concerne l’acte de manger. Cependant, la religion, à travers ses interdits ou l’imposition du jeûne durant certaines périodes de l’année, n’a pas seulement un rapport de réglementation avec la nourriture. Depuis toujours, elle ponctue l’année, éveille la mémoire, inspire et influence de nombreux plats.
Tout repas, qu’il soit de fête, ou quotidien, peut devenir une célébration sacrée, une commémoration, un instant privilégié et essentiel, une communion. Car si toutes les religions ont sacralisé le fait de boire et de manger parce qu’ils sont nécessaires à la vie, elles ont avant tout sacralisé le fait de manger ensemble.
Chez les juifs, la table familiale est considérée comme l’autel du Temple de Jérusalem détruit et la cuisine comme son sanctuaire. La nourriture préparée et offerte, souvent fortement empreinte de symbolisme biblique ou talmudique, devient ainsi une nourriture autant physique que spirituelle, qui doit toujours être consommée avec respect et gratitude.
C’est en faisant de l’hébreu biblique et en écoutant les histoires que nous racontait notre professeur sur les lois et les rites qui impriment la vie quotidienne dans le judaïsme que j’ai eu envie d’écrire ce livre, mais aussi parce que vivant avec un chrétien de rite orthodoxe, je voyais revenir chaque année avec régal la semaine des blinis ou la paskha de Pâques, sublime gâteau au fromage. Mais encore, parce que voyant revenir également chaque année, avec tout autant de délice, le Ramadan avec ses étals de pâtisseries, toutes aussi appétissantes les unes que les autres, sur les trottoirs de Belleville et de la Goutte-d’Or, je me suis longtemps demandée quelle était la signification profonde de cette fête.
L'émotion affleure quand, entre les lignes, se lit toute la force de vie que les plats de deuil insufflent à ceux qui sont restés.
C meilleur quand c'est bon.
On va déguster de François-Régis Gaudry à écouter ici
Les bonnes chose - Caroline Broué à écouter ici
Le goût du monde de Clémence Devait à écouter ici.
Stéphanie Schwartzbrod répond à cette question à la juste distance de l’écoute de ces femmes et de ces hommes et en restituant leur récit sans fard, ni apitoiement, avec une approche quasi-clinique.
Jacky Durand – Les mitonnages de Jacky - à écouter ici.
… cet ouvrage, riche de plats du monde entier, et d’incroyables destins, souvent terribles, où les déracinés font revivre leur passé et le transmettent au gré d’un byriani ou d’un mafé au bœuf.
Claire Devarrieux
Très beau livre qui raconte les témoignages de gens qui ont dû quitter leur pays par amour, pour fuir la misère ou la guerre.
Laurent Mariotte - La table des bons vivants
Stéphanie Schwartzbrod excelle dans la retranscription de témoignages d’hommes et de femmes qui ont quitté leur pays. Merci à elle, je me régale page après page. Une lecture coup de cœur !
Chloé Rouger – Bouiboui blog
C’est un livre dont je vous recommande la lecture.
François-Regis Gaudry – On va déguster
À écouter également :
Le goût du monde du 2 mai 2019 sur RFI, intégralement consacré à La cuisine de l'exil.
Le goût du monde du 16 avril 2022, sur RFI, intégralement consacré à Saveurs sacrées
De même que Le temps d'un bivouac du 29 juillet 2019 autour de La cuisine de l'exil, sur France Inter.
Si chaque religion a pour caractéristique de prêcher pour sa « paroisse », elles ont en commun de proposer à leurs fidèles tout un rituel de prescriptions et traditions alimentaires. Stéphanie Schwartzbrod en dresse ici un inventaire comparé. Tout en approfondissant leur sens théologique, elle explore le calendrier et les menus de fêtes, rassemble quelque quatre-vingt recettes liées aux temps forts de chaque confession, depuis l’Épiphanie et sa galette (janvier) jusqu’au boregh d’Hanoucca (décembre), en passant par le hammentachen de Pourim, le couscous aux fèves de Pessah, la chorba du Ramadan, la mrouzia de l’Aïd el-kebir, le poulet aux épices et aux olives de Kippour, la bûche de Noël… Autant dire que, si ce livre raconte et commente la sacralité de certaines préparations, il nous transmet surtout, savoir-faire à l’appui, la tradition festive et gastronomique des trois grandes religions monothéistes.
Alain Kruger – On ne parle pas la bouche pleine. À écouter ici.
Toutes les fêtes des trois religions monothéistes s’entremêlent dans ce calendrier gourmand qui dévoile l’origine, les rites et les coutumes, le déroulement, les interdits alimentaires et, bien sûr, les recettes liées à ces fêtes. Livre de cuisine avant tout dont le but est d’apporter un peu plus de sens et de profondeur à cet acte de partage qui nous unit tous.
Librairie La Procure
Stéphanie Schwartzbrod
Écrivain biographe
st.schwartz@neuf.fr
+33(0) 6 64 54 19 61
N° Siret : 891 626 301 00016
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